Cette rubrique présente l'histoire du constructeur automobile Peugeot des débuts de sa production jusqu'à l'apparition du modèle 201.

Avant l'automobile

Peugeot n'a pas commencé son histoire par l'automobile. L'aventure Peugeot commence en fait avec Jean-Pierre Peugeot, maire de la commune d'Hérimoncourt, tisserand et teinturier de profession. Il a 4 fils, dont les 2 plus jeunes, Charles et Jacques, fondent une filature à la Chapotte, puis une autre à Audincourt, qui seront finalement fermées toutes les deux vers 1829. Ils changent alors de métier, et installent à Valentigney une fabrique de pièces détachées pour filature. Les deux aînés, Jean-Pierre (teinturier) et Jean-Frédéric (tanneur) montent une fonderie d'acier à Sous-Crétet. Ils utiliseront cette usine pour fabriquer des lames de scie en 1819.

La spécialisation dans l'industrie métallurgique s'accroît grâce notamment au fils de Jean-Frédéric Peugeot, Fritz, qui a l'idée d'employer des laminoirs pour la fabrications des lames de scies, qui se retrouvèrent alors distribuées dans toute la France. Avec ce succès, des usines voient le jour, nouvelles ou par suite d'acquisitions, à Terre-Blanche et Valentigney. Afin d'assurer la direction des différents établissements, les deux frères et leurs sept fils se séparent. En 1846, une nouvelle fabrique est construite à Pont-de-Roide.

C'est à cette période que la société « Peugeot Frères » est constituée, avec son siège établi à Valentigney.

Une activité qui permit à Peugeot d'étendre sa fortune fut la fabrication de cerceaux pour crinoline. Cette tenue vestimentaire féminine de l'époque était à l'origine constituée de baleine, mais afin de réduire les coûts de production, l'utilisation de lames d'acier se développa. Et comme Peugeot dominait déjà la technique de laminage et de trempe des bandes minces d'acier, il fut facile de répondre aux exigences du marché.

Peugeot

En 1865, à la mort des frères Peugeot, leurs fils reprirent le flambeau sous la dénomination de « Les Fils de Peugeot Frères ». L'activité continua de façon brillante sur les trois sites de production de Terre Blanche, Valentigney et Beaulieu, qui occupaient 500 ouvriers. Les fabrications étaient maintenant assez diversiées, avec des outils de menuiserie et de taillanderie, des scies, des ressorts, des moulins à café, des tondeuses, etc.

En 1867, la première machine à coudre sort des usines de Valentigney-sous-Roche. Cette aventure durera jusqu'en 1936.

Au cours de l'année 1869, de grandes avancées sont faites en faveur de la politique sociale, divers services étant mis à la disposition des employés (assurances, hôpitaux, écoles, retraite, …). La plus significative sera l'adoption de la journée de travail de 10 heures, ce qui ne sera obligatoire pour tous les ouvriers français qu'en 1902 (on comparera avec les 35 heures hebdomadaires actuelles !).

En 1882, la société Peugeot se lance dans le véhicule, avec la fabrication de bicyclettes de type grand bi, puis de type plus conventionnel à partir de 1887. L'idée avait été lancée par un ingénieur de chez Peugeot, qui avait construit un bicycle pour son fils. Montrant son travail aux dirigeants, ceux-ci estimèrent que l'idée de produire de tels « engins » était excellente, d'autant que le matériel pour la production était déjà existant. Les bicyclettes Peugeot furent rapidement appréciées par les cyclistes, à l'égal des bicyclettes importées d'Angleterre.

Des progrès furent apportés successivement pour le confort du conducteur, avec des jantes d'abord entourées de caouctchouc plein dès 1867. Le caouctchouc creux arriva ensuite, mais avait le défaut d'être trop lourd. Puis le pneumatique, inventé par l'irlandais John Boyd Dunlop (1), fut adopté sur les vélocipèdes, et les problèmes liés à la trépidation des machines sur sol rocailleux furent considérés comme résolus.

À la fin de l'année 1888, une rencontre importante forgera le destin de Peugeot dans le milieu automobile. Armand Peugeot (1849-1915), diplômé de l'École Centrale Paris (devenue le 1er janvier 2015 CentraleSupélec), rencontre Gottlieb Daimler, accompagné de Émile Levassor.

 
l'ère automobile

L'association du constructeur de moteur à vapeur Léon Serpollet et d'Armand Peugeot permet la création d'un grand tricycle à deux places actionné par un moteur et un générateur Serpollet. Ce premier véhicule à vapeur sorti des ateliers, le Serpollet Peugeot, sera présenté lors de l'Exposition Universelle de Paris en 1889. Selon les sources, c'est le premier véhicule considéré comme une automobile.

Mais plusieurs productions antérieures peuvent revendiquer ce titre de première automobile.

Le génialissime Léonard De Vinci dessina les croquis d'un char mû par des ressorts en 1478, dans son ouvrage Codex Atlanticus.

Le fardier de Nicolas-Joseph Cugnot, dès 1769, rassemble déjà toutes les conditions pour être appelé une automobile, c'est-à-dire un objet « qui se meut par soi-même» . Le fardier à vapeur est en fait un chariot propulsé par une chaudière à vapeur, créé en réponse à une commande de l'armée pour le déplacement de lourds canons.

Peugeot

Un siècle plus tard, Amédée Bollée produit des véhicules automobiles mus par la vapeur. En 1884, un Normand, Édouard Delamare-Debouteville, réalise la première voiture à moteur à explosion à gaz, puis suite à un sectionnement du tuyau d'alimentation, le choix se porte sur le pétrole. Mais la première adaptation du moteur à explosion fonctionnant au pétrole est l'œuvre de Carl Benz, qui met au point, peu après Gottlieb Daimler, le premier vrai moteur à explosion en 1882.

Sur le stand Peugeot de l'Exposition Universelle de 1889 était exposée la première voiture mécanique sortie des ateliers. Il s'agissait d'un tricycle à deux places actionné par un moteur et un générateur Serpollet, connu comme Type 1.

Peugeot

En 1890, après avoir délaissé la vapeur, Armand Peugeot se tourne vers le moteur à essence, en utilisant la licence des moteurs Daimler (2). Il réalise alors le premier quadricycle de marque Peugeot dans les usines de Valentigney, le Type 2. Ce premier véhicule équipé d'un moteur Daimler sera suivi de nombreux autres.

À partir du Type 14, les automobiles Peugeot seront équipées d'un moteur de fabrication maison possédant 2 cylindres disposés horizontalement. Il fut développé par l'ingénieur Gratien Michaux en 1897.

En cette même année, Armand Peugeot crée la société des Automobiles Peugeot et entreprend la construction des usines d'Audincourt (25) et de Lille (59). Auparavant, les automobiles étaient produites à l'usine de Valentigney (25) sous la marque « les Fils de Peugeot Frères »

En 1905, Les fils de Peugeot Frères présentent leur première automobile lors du salon de Paris. Il s'agit d'une Lion-Peugeot à moteur mono puis bicylindre en V. Armand Peugeot se concentrant sur la production de modèles plus ambitieux avec la société Automobiles Peugeot alors que les voitures Lion-Peugeot sont de petites voitures populaires, on évite la confrontation directe. En 1910, cependant, les deux sociétés fusionneront, pour donner naissance à la Société anonyme des automobiles et cycles Peugeot, dirigée par Robert Peugeot.

En 1914, la société compte 2500 salariés, produit 10000 voitures et 80000 cycles par an, sur ses différents sites de production d'Audincourt, Beaulieu, Lille et Valentigney.

Vous pourrez retrouver ces modèles et les autres dans la rubrique les modèles.

 
en parallèle

En dehors de sa production automobile, la maison Peugeot continue à produire des cycles, motocyclettes et outils divers. Tous les quincailliers de France et même d'Europe connaissent la maison Peugeot qui produit la majeure partie des ustensiles de ménage et une foule d'outils, dont le plus emblématique était la scie. L'Exposition Universelle de 1889 (3) - organisée à Paris sur le Champ-de-Mars, au Trocadéro, et sur l'esplanade des Invalides et dont le monument marquant fut la tour Eiffel - fut l'occasion pour la maison Peugeot de montrer la perfection de sa production. Les visiteurs pouvaient ainsi admirer une scie sans fin de 38.60 m de long, 554 mm. de large pour une épaisseur de 20/10e. Elle avait été laminée à chaud et à froid, trempée, polie, dentée et redressée dans les ateliers de Valentigney et de Beaulieu. Une autre curiosité pour les visiteurs était une bande d'acier de 210 m. de long, 35 mm. de large et 3/100e d'épaisseur. Elle pemettait de démontrer l'habileté de la maison Peugeot à exécuter des laminages minces et délicats.

Les établissements Peugeot comptaient en 1889 environ 700 ouvriers sur le site de Valentigney, 900 sur le site de Terre Blanche et 300 à Beaulieu.

bicyclette pliante

En 1899, Peugeot se lance dans la fabrication de la bicyclette pliante militaire due à l'imagination du Lieutenant, puis Capitaine Gérard. Elle équipera l'infanterie cycliste de l'armée française, et sera employée lors du premier conflit mondial par les groupes de chasseurs cyclistes. Cette bicyclette était produite par Charles Morel avant l'année 1899, avant que Peugeot ne rachète la ligne de fabrication (4).

Ce même conflit mondial verra l'occupation de l'usine de Lille, alors que les autres centres de production participeront à l'effort national de guerre en produisant à destination de l'Armée Française des cycles, motocyclettes, voitures, camions, moteurs de chars et d'avions, ainsi que six millions d'obus et bombes.

moteur d'avion

Entre 1904 et 1922, Peugeot produira quelques moteurs d'avions. Le premier modèle, daté de 1905, sera un bicylindre en V d'une puissance de 14 ch destiné à propulser le ballon dirigeable n°14 du dandy brésilien Alberto Santos-Dumont (5). En novembre 1909, Peugeot Frères crée, en association avec la société des « automobiles Rossel » de Sochaux, la Société des Constructions Aériennes Rossel-Peugeot destinée à la production et à la vente de moteurs pour la navigation aérienne. Un moteur à 7 cylindres en étoile sera construit et équipera notamment des avions Blériot. La première guerre mondiale verra disparaître cette société.

Peugeot continuera seul la production de moteurs d'avions, avec un 8 cylindres en V de 200 ch et 5.6 L de cylindrées qui équipera des avions Voisin. D'autres études seront faites sur des moteurs de 12 et 16 cylindres en V de 500 et 600 ch. La crise mondiale de 1929 mettra fin à cette aventure. Voir cette page pour des vues des moteurs d'aéronefs.

Durant cette période « aéronautique », la société anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot passera un accord avec la Société d'Emboutissage et de Constructions Mécaniques pour le montage et l'équipement de ses moteurs sur avions. La S.E.C.M., basée à Colombes (Hauts-de-Seine, 92) fut l'une des premières sociétés aéronautiques française (6) à s'intéresser à la construction métallique dans l'industrie aéronautique. Cette construction métallique présentait de nombreux avantages par rapport à la construction bois : réalisation de machines indéréglables, insensibles aux conditions atmosphériques, durables, meilleure sécurité du fait de la régularité des caractéristiques du métal, fabrication en série et réparations facilitées du fait de l'interchangeabilité des pièces, etc.

La S.E.C.M., dont l'administrateur-directeur était Félix Amiot (7), équipée des machines-outils les plus récentes, possédait le matériel nécessaire à la construction de structures fines et techniquement poussées. Trois nouveaux types types d'avions furent mis au point : l'avion 22 de transformation, l'avion 23 de tourisme et l'avion 24 d'école. Le type 22 fut présenté en juillet 1923 au concours d'avions école et de transformation, organisé au Bourget par le Service Technique de l'Aéronautique. Il était le seul appareil de construction métallique, et surclassa tous ses adversaires, notamment dans les domaines de la vitesse (plus de 200 km/h.) et de la montée (4000 m. atteints en 21 mn.).

canot automobile

Au milieu des années 1920, la firme se lance dans la construction de canots automobiles, un modèle de 5.50 m avec moteur de 5/8 ch, et un autre de 7.50 m de 10/18 ch, le tout en finition populaire ou luxe.

Ces canots étaient destinés à relancer l'activité du pays en utilisant les cours d'eau à des fins de commerce ou de tourisme.

En 1926, la Société anonyme des automobiles et cycles Peugeot éclate en deux entités, Automobiles Peugeot et Cycles Peugeot.

Deux ans plus tard, la construction en série débute sur le site de Sochaux-Montbéliard, sous l'impulsion de Jean-Pierre Peugeot. Ce site, acheté en 1916, ne contenait à ses débuts qu'une forge, à laquelle fut adjointe une fonderie trois ans après.

En 1928, on voit apparaître sur une automobile Peugeot le premier moteur Diesel. Ce dernier est produit dans l'usine de Fives-Lille, spécialisée dans la construction de moteurs, sous l'appelation CLM (Compagnie Lilloise de Moteurs). Les moteurs Diesel produits exploitent la licence Junkers, et sont majoritairement destinés à l'usage industriel (camions, péniches, bateaux, chantiers).

Et 1929 voit apparaître la 201, mais il s'agit d'une autre histoire…

 
  • (1) l'invention du pneumatique par Dunlop.
  • (2) La licence française du brevet allemand n° 28.022, attribué à Gottlieb Daimler pour son moteur à gaz, avec allumage par tube incandescent, fut en premier lieu acquise par une certaine Mme Sarrazin lors de l'Exposition Universelle de 1889 (voir ci-dessous). Elle cèdera par la suite cette licence à trois hommes, dont Armand Peugeot. Ce dernier engagera avec succès son Type 3 à la course cycliste Paris-Brest-Paris de 1891, obtenant des organisateurs de la course l'admission et le contrôle de son véhicule.
  • (3) Quelques liens sur l'Exposition Universelle de Paris - 1889 : l'art nouveau, Bibliothèque Nationale de France.
  • (4) Cette information a été ajoutée suite au message laissé sur le livre d'or par , responsable du blog Coup de pédale et que je remercie au passage.
  • (5) Lire cet article sur le père de l'aviation - dans lequel on apprend par ailleurs que le premier moteur à essence à être entré en territoire brésilien dans les années 1890 était un moteur… Peugeot - et une autre présentation de la vie de ce pionnier de l'aviation.
  • (6) la construction métallique dans le milieu aéronautique était déjà bien avancée en Allemagne, avec notamment les travaux d'Hugo Junkers qui conduisirent au premier avion entièrement métallique, le Junkers J1, dont un exemplaire de la version militaire, le Junkers D1 - est visible dans la galerie « Les As de 14-18 » du musée de l'air et de l'espace du Bourget - ainsi qu'au Junkers F13, et au célèbre trimoteur Junkers 52/3m.
  • (7) biographie de Félix Amiot.
 

 

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